Internalisation ou externalisation ? Spécialisation ou polyvalence ? Les nouveaux défis des services techniques

Souvent invisibles, les services techniques jouent pourtant un rôle vital dans la vie quotidienne de nos hôpitaux. Leur action permet d’assurer la continuité des soins, la sécurité des bâtiments, le confort des professionnels et des patients. Mais leur organisation et leur reconnaissance restent encore trop souvent en marge des dynamiques hospitalières. Ils sont par ailleurs soumis à des contraintes importantes notamment dans l’accompagnement de schémas directeurs immobiliers qui vont conduire à gérer des bâtiments neufs et des bâtiments plus anciens, avec des approches très différentes.

À partir de plusieurs accompagnements menés dans différents établissements, dont récemment au Centre de santé mentale Angevin (le CESAME), nous avons identifié deux grandes questions structurantes à se poser pour (re)penser l’organisation des services techniques (ST) : Comment fixer le bon curseur entre les activités réalisées en interne et le recours à des sociétés extérieures ? ? Et comment doser la spécialisation des équipes par expertise et le besoin de polyvalence ?

Une organisation encore trop cloisonnée

Les services techniques sont souvent éloignés, au sens propre comme au sens figuré, du reste de l’hôpital. Leur implantation géographique est rarement au cœur des flux de soins, et les interactions avec les équipes médicales ou soignantes se limitent bien souvent aux moments d’intervention. Cela engendre une méconnaissance réciproque des contraintes, des besoins et des urgences respectives.

En interne, les équipes sont elles aussi fréquemment organisées par métier ou domaine technique (électricité, plomberie, menuiserie, pôle mutlitechnique…), ce qui garantit un haut niveau de compétence mais peut freiner la réactivité, notamment sur la maintenance de niveau 1. Ce cloisonnement rend difficile la mutualisation des ressources et l’adaptation aux imprévus du quotidien hospitalier. Par ailleurs, la multiplicité des acteurs dans les unités de soins, le turnover, et la confusion potentielle avec d’autres services support est un élément de complexité et parfois même un frein à la valorisation des métiers, si les agents se sentent incompris.

L’urgence de mieux planifier (aussi l’imprévu)

Dans un environnement aussi complexe et vivant qu’un hôpital, la planification technique ne peut être rigide. Il s’agit d’insérer des temps de maintenance préventive sans bloquer une salle de soins, de réagir rapidement à une alerte sans perturber une réunion médicale critique, ou d’attendre que le patient soit transféré pour pouvoir intervenir.

Cette planification souple, à la fois réactive et prévoyante, exige une très bonne compréhension du fonctionnement de l’établissement, une communication fluide avec les soignants… et une présence forte sur le terrain. Sachant qu’il faut éviter de tomber dans un système purement « en réaction » où les services techniques se contentent de gérer les réparations et n’assurent pas une véritable maintenance préventive.

L’externalisation : une réponse qui a ses limites

Pendant plusieurs années, la tendance a été à la sous-traitance d’un grand nombre de missions techniques. Mais de nombreux établissements commencent à faire machine arrière, confrontés à des prestataires coûteux, peu flexibles, et difficilement intégrables dans les contraintes hospitalières.

Ces limites posent aujourd’hui la question de la réinternalisation de certaines fonctions. Encore faut-il savoir lesquelles, et avec quelles ressources (humaines, budgétaires, immobilières).

Du terrain au projet de service : l’exemple du CESAME

Au sein du CESAME, établissement spécialisé de santé mentale à Angers, nous avons accompagné un travail approfondi sur l’organisation des services techniques, en nous appuyant sur :

  • Un état des lieux complet des pratiques, points forts et axes de progrès ;
  • La construction d’un projet de service, pour structurer l’action collective, donner une lisibilité aux équipes et identifier les compétences clés et les formations nécessaires ;
  • Des temps de dialogue entre services techniques et services de soins, afin de fluidifier les échanges et les demandes.

Ce travail, mené dans un esprit de transparence et jalonné d’étapes partagées et coconstruites avec les équipes, a favorisé leur appropriation du projet et leur adhésion à la démarche.
Il a permis de répondre concrètement aux deux problématiques évoquées – internalisation vs externalisation, spécialisation vs polyvalence – en dessinant une trajectoire claire autour de quatre grandes orientations :

  1. Le maintien des compétences clés et des métiers piliers, garants de la qualité technique ;
  2. Le développement d’une relation client-fournisseur efficace avec les services utilisateurs ;
  3. Une maîtrise renforcée des coûts liés à l’externalisation, avec une capacité accrue à négocier, piloter, voire réinternaliser ;
  4. La montée en compétence des encadrants sur le management d’équipe et le pilotage de l’activité.

Et maintenant ?

Les services techniques doivent être considérés comme de véritables acteurs stratégiques du fonctionnement hospitalier. Cela suppose de les intégrer pleinement dans les dynamiques de gouvernance, de leur donner une vision partagée via un projet de service, et de faire des choix assumés sur leur organisation. Entre internalisation et externalisation, spécialisation et polyvalence, chaque établissement devra trouver son propre équilibre… à condition de poser enfin les bonnes questions.

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« Il manque de lits d’hospitalisation dans notre hôpital ». Cette phrase, qui fait la une de tous les journaux depuis de nombreuses années, témoigne d’une réalité sur le territoire français qui se manifeste entre autres par des situations d’embolisation et de saturation des services d’urgences qui peinent à trouver des lits d’aval pour leurs patients. Instinctivement, c’est à la pénurie médicale et para médicale que l’on pense, mais en réalité, ce n’est pas le seul angle sur lequel agir pour répondre à cette saturation.

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