Une gestion des lits territoriale sans gestion à l’échelle locale, une utopie ?

Il y a plus d’un an, en juillet 2022, François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, souligne l’importance d’une gestion territoriale des lits via la mission flash pour les urgences et les soins non programmés.

Cette déclaration a lieu à la veille de l’été qui aura comme chaque année une actualité marquée par des épisodes de « crises sans précédent », de « tensions inédites » voire de « fermetures exceptionnelles » des services d’urgences.

Si cette recherche de territorialité apparait aujourd’hui comme le nec plus ultra d’une gestion des lits optimisée, nous pouvons nous demander s’il ne s’agit d’un fantasme étant donné l’état d’avancement de la plupart des établissements de santé sur la question. Nos différentes expériences terrains sur le sujet ne font que confirmer notre conviction qu’une gestion territoriale des lits sans gestion locale risque d’être une coquille vide.

L’atteinte de cette cible fixée par les pouvoirs publics doit donc se faire par paliers et débuter à l’échelle même de chaque établissement : nous vous en présentons les pré requis dans la suite de l’article. 

La gestion des lits : une problématique locale propre à chaque établissement

Tous les établissements de santé ont déjà été confrontés à des problématiques de gestion des lits : embolisation de patients aux urgences, « bed blockers », services de médecine polyvalente transformés en service de médecine post urgences, hébergements sauvages, le célèbre cas de la personne âgée polypathologique …

Cette thématique est transverse à tout l’établissement, car elle concerne le parcours du patient dans sa globalité et peut être une grande source de tension au quotidien quand elle n’est pas optimisée.

Malgré des problèmes communs à la plupart des établissements de santé, chaque établissement doit s’adapter à sa propre situation, en fonction de sa maturité, de son contexte, de son histoire, de son organisation et de la détermination des personnes impliquées.

Il n’y a pas de solution universelle ou de recette magique pour aborder la gestion des lits.

Au cours de nos missions, nous avons pu observer et accompagner de nombreux cas de figure au sein d’une cinquantaine d’établissements.

Les méthodes présentées dans la suite de ces articles sont des exemples. Il revient à chaque établissement de les modeler à sa propre organisation et à son contexte.

Bed management à l’hôpital : un métier rendu incontournable

« Qui est garant du suivi du parcours et du déroulé de sa prise en charge ? » : une question souvent posée dans les établissements de santé. Il est évident que les soignants confrontés chaque jour au besoin de trouver le bon lit pour le bon patient se sont emparés du sujet. Pour la grande majorité des parcours simples, les cadres assurent ce rôle. Cependant, pour les parcours nécessitant une vision plus transversale et « inter-service », la réponse à cette question n’est pas toujours claire.

En lien avec ce constat d’absence d’interlocuteur identifié et face à l’émergence des nouveaux parcours, on observe l’apparition de nouveaux métiers dédiés au pilotage du parcours patients et nous sommes convaincus de leur nécessité.

La diversité des dispositifs rencontrés prouve qu’il n’existe pas de réponse unique, et que ce dispositif doit s’inscrire et s’adapter aussi bien au contexte qu’à la taille de l’établissement. La gestion des parcours patients peut ainsi se décliner de diverses manières : d’un coordinateur des flux isolé à une cellule de gestion des lits à l’échelle de l’établissement voire du GHT.

Les questions indispensables à se poser

Que l’établissement veuille structurer directement une cellule avec plusieurs agents ou veuille débuter par un seul agent responsable de la gestion des lits, plusieurs questions structurantes se posent, dont celles-ci :

Les réponses à ces questions ne sont pas figées, la structure du poste peut évoluer. Un établissement peut par exemple commencer par former un IDE de coordination du parcours patient ne gérant que le flux du SAU et de l’UHCD puis évoluer vers une cellule composée de plusieurs agents gérant les flux SAU – UHCD – services de médecine avant de s’étendre aux services de chirurgie une fois le concept diffusé, validé et éprouvé en interne. Enfin cette cellule, pour avoir une vision la plus large possible, peut se jumeler aux cellules de programmation existantes, et ainsi être la véritable tour de contrôle des flux de l’établissement.

Créer « de zéro » une structure de gestion de lits peut par ailleurs soulever des freins de la part de la communauté médico-soignante : perte de contrôle sur un processus qui les impacte, remise en question de la légitimité des gestionnaires de lits, difficultés à s’aligner sur des procédures organisationnelles homogènes. Il est donc primordial de communiquer et travailler le projet en amont afin de construire une solution opérationnelle et consensuelle.

Zoom sur une situation donnée : un poste de gestionnaire des lits dédié

Dans un établissement de 200 lits avec un service d’Urgences Adultes, la définition d’un tel poste a permis de répondre aux enjeux d’interfaces entre les différents services et de recentrer les équipes médico-soignantes sur leur cœur de métier.

Cette mission a montré qu’avant d’envisager une solution idéale, la simple formalisation d’un poste dédié à la gestion des lits en remplacement d’une solution temporaire « faite maison » a demandé de répondre à de nombreuses questions de définition, de mise en place et d’acceptation.

Dans le cas de la mission évoquée, la réflexion a conduit à attribuer au coordinateur du flux patient au SAU les tâches suivantes :

    • Relever les lits disponibles de chaque service
    • Suivre les mouvements réalisés la nuit et le weekend
    • Connaître le besoin en lits pour les patients du SAU en attente d’hospitalisation
    • Rechercher des lits au sein de l’établissement pour ces patients
    • Affecter les patients du SAU dans les bons lits une fois l’orientation médicale donnée
    • Alerter en cas de risque de pénurie de lits (mise à jour régulière de la procédure Hôpital en Tension )
    • Identifier les cas complexes et animer une commission pour les séjours longs
    • Animer une coordination territoriale de partage des lits (à terme)

Autant de tâches qui ne sont donc plus réalisées par les praticiens ou les équipes soignantes, ce qui permet de leur dégager du temps, d’apaiser les tensions qui peuvent exister entre le SAU et certains services et de créer un lien grâce à un partage d’information objectif.

La donnée : une ressource précieuse à fort potentiel

Le partage des données

Parmi les marches à franchir entre l’existant et la cible fixée par les pouvoirs publics figure le partage des données. La crise Covid a montré la nécessité d’un partage de l’information rapide. En situation de crise, ce partage s’est fait au prix de nombreux appels téléphoniques peu voire non tracés. Cette expérience a prouvé deux choses :

    • Les acteurs ont besoin d’avoir une vision locale et territoriale précise sur les lits disponibles, notamment pour les lits de services critiques
    • Les acteurs sont capables de participer au partage de cette information en temps réel

Pour partager la donnée, celle-ci doit être disponible et fiable. Or le constat actuel dans la plupart des établissements est le suivant :

    • Soit la donnée n’existe pas (l’exemple parlant du suivi des entrées directes non programmées – souvent non codées en tant que telles)
    • Soit elle existe, mais sur différentes sources et supports, parfois discordants – ce qui nécessite un grand travail de fiabilisation

En termes de partage de données, nous avons rencontré de multiples cas de figure :

    • Des établissements dans lesquels le décompte des lits se fait chaque jour au téléphone pour savoir le nombre et la nature des lits d’aval que le SAU peut utiliser
    • Des établissements dans lesquels le décompte des lits se fait au téléphone (ou par mail) mais avec une anticipation demandée aux services sur les entrées et les sorties
    • Des établissements dans lesquels l’information du nombre et de la nature de lits disponibles pour chaque service est accessible en temps réel sur le DPI ou la GAM, avec prise en compte des mouvements prévisionnels

Si le summum du partage de données consiste à avoir un logiciel permettant de connaître en temps réel les lits disponibles ainsi que les entrées et les sorties prévisionnelles afin d’anticiper l’occupation des lits à venir, il n’est pas nécessaire d’atteindre cet optimum pour initier une démarche de gestion des lits. Une chose est sûre, le partage de données n’est pas qu’une question de moyens techniques. Le graphique suivant peut aider à situer son établissement en termes de partage de données.

L'utilisation d'un logiciel de gestion des lits

Un logiciel de gestion des lits est en général une brique indispensable pour aboutir au partage de l’information en temps réel.

La publication de l’ANAP de juillet 2022 « Gestion des Lits : panorama des solutions SI du marché à mi-2022 » décrit la multiplicité des solutions SI sur ce sujet et les solutions proposées par les 15 éditeurs recensés. A titre d’exemple, les points de couverture fonctionnelle évalués sont les suivants :

Un accompagnement au choix d’une solution apparaît ainsi comme particulièrement pertinent pour les établissements qui n’ont pas défini précisément la couverture fonctionnelle nécessaire.

Si certains établissements font le choix d’un logiciel dédié, d’autres préfèrent utiliser leur DPI pour y ajouter des fonctionnalités nécessaires à la gestion des lits. L’un présente l’avantage d’être parfaitement adapté à l’ensemble des besoins fonctionnels relevant de la gestion des lits, l’autre est déjà connu et maîtrisé de tous les utilisateurs sans nécessité de créer une nouvelle interface avec le reste du SIH.

Pour éviter tout frein à l’engagement, il est crucial que la saisie des informations dans le logiciel ne soit pas chronophage. Il s’agit, à terme, de faire gagner du temps aux soignants au quotidien : la tâche de saisie des informations en temps réel dans le logiciel ne doit pas prendre plus de temps qu’un simple relevé des lits. La question de l’interface avec le DPI ou la GAM est capitale, il est inenvisageable de demander une double saisie aux soignants.

L'atteinte de la cible : la dimension territoriale

Comme évoqué en début d’article, la vision territoriale de la disponibilité en lits apparaît donc comme une cible nécessitant une maturité forte des établissements en termes de gestion des lits, qui s’atteint par étapes successives et commence au sein même de chaque structure. Il en effet illusoire de penser qu’une organisation territoriale puisse être opérationnelle si les établissements ne sont pas en mesure aujourd’hui de partager l’information et d’organiser une gestion des lits de manière efficiente au niveau local.

Certains modèles de partage de données ou de poste de bed management décrits dans cet article existent depuis de nombreuses années dans certains établissements, mais force est de constater que la plupart ne disposent pas d’une maturité élevée dans leur mise en place.

Il n’existe pas de modèle unique, mais de nombreuses actions interdépendantes, ciblant différents enjeux, à mener. C’est d’ailleurs ce qui rend le portage du projet particulièrement complexe.

Les exemples cités montrent que l’essentiel est de choisir un angle, quel qu’il soit, pour enclencher le sujet ; car cela peut générer dès les premières initiatives des bénéfices qui encourageront par la suite l’établissement à adopter une gestion des lits de plus en plus aboutie pour répondre à la multiplication et diversification des parcours, dans des contextes capacitaires tendus.

La gestion des lits doit être menée de manière pragmatique et non idéologique. Adopale, par sa connaissance fine des établissements de santé et sa capacité à accompagner les acteurs dans le changement, peut vous aider à vous emparer du sujet.

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